Dans la folk et le blues, on croise souvent des vies hors-normes, des destins de losers magnifiques qui font les grandes histoires. Jason Edwards, né de parents anglo-américains, a donc été déménageur, professeur de piano, gardien de sapin... Il a aussi fait la manche et pris la route, la guitare sous le bras de Dublin à New York, de Montréal à Paris. Le genre d’histoire qui semble avoir 50 ans mais qui se passe aujourd’hui, perpétuant une race de songwriter et la figure de l’artiste vagabond cher à Kerouac.
Fort de ces multiples expériences et d’une vie de rencontres, il écrit et enregistre son premier album “Ouest”, à huit clos dans son appartement parisien. L’album sort en octobre 2007 sur ktdj. Un succès très largement entretenu par Radio France et Radio Nova (on retrouve “Codeine”, et “Opium” dans les derniers coffrets Nova, et “Bourbon Ouest” est toujours en playlist à la radio) et soutenu par la presse:
“Une musique aussi simplement universelle qu’étrangement décalée et inattendue” Magic.
“Ouest se révèle un disque précieux dans lequel on vient autant se réfugier que se perdre” Les Inrocks.
Après deux années de concerts erratiques et une retraite créative méritée, Jason reprend la route et nous emporte avec lui sur le courant très lent, presque imperceptible, d’un bayou boueux du Sud des Etats-Unis. Hanté par Barret et Lennon, et toujours dans une économie de moyen, il court vers ce qui semble être l’Eden des déracinés pour nous livrer des chansons mélancoliques et touchantes guidées par sa voix d'ange déchu. Les angles s’arrondissent, le ciel s’éclaircit, les sons sont plus chauds et les compositions s’étoffent : le synthétique investit peu à peu la cabane rustique du folk. Une orientation plus “pop”, donc, qui tranche avec le minimalisme quasi squelettique du premier album.
“Doldrums” est un album touffu, nerveux et riche qui convoque des instruments qu’on à pas forcément l'habitude de retrouver dans la musique folk classique et ancestrale dans laquelle Jason puise pourtant son inspiration : un synthétiseur, de l’harmonium, de la batterie, de la contrebasse, du trombone, un triangle, une guimbarde... Pour ce faire, il s’est entouré d’une clique de Jazzistes psychédéliques, des acrobates qui retombent toujours sur leurs pattes et improvisent à tout va.
Des chansons fragiles, lumineuses et sensibles donc, qui nous font serpenter sur des eaux marécageuses, entre les amours surannés du poète (Mystic Fandango, Oo, No name) et son désarroi face à un monde déliquescent (Sun Melt) dans lequel il se met en quête d'une une source de vie pure (Doldrums). Malgré la débâcle généralisée, Jason nous rappelle que le soleil se lèvera toujours (Tambourine) et que le monde
vivant est sacré (John Brown).
Après “Ouest”, “Doldrums” est un véritable delirium tremens dans lequel des fleurs psychédéliques viennent bourgeonner de ça, de là.